Qui sont les Gens du Voyage?

Origine
En Suisse les Gens du Voyage sont majoritairement de l’ethnie yéniche, avec quelques familles manouches et roms.
Au contraire des autres groupes de Gens du Voyage et des Roms, qui forment la grande famille des Tsiganes, d’origine lointaine indienne, les Yéniches sont de souche européenne. Ces Nomades, dès le haut moyen âge, vivaient sur le territoire de la future Suisse, de colportages, de petits commerces, du travail des métaux.
 
Estimations
On compte aujourd’hui environ 35’000 citoyens suisses yéniches, dont environ 5’000 voyagent encore. (Source: S. Thode-Studer, Tsiganes suisses, Réalités sociales 1987). La tendance tend à croître et de jeunes familles reprennent la vie du voyage.
Les autres se sont, peu ou prou, sédentarisés, quitte à retrouver la vie de la caravane lors des vacances estivales, et à rejoindre les pèlerinages traditionnels avec leurs cousins restés nomades.
Côté religieux, à l’origine tous étaient catholiques, sauf quelques Réformés. Depuis les années 1980 on assiste à une montée des nouveaux mouvements ecclésiaux, et nombre de Voyageurs ont quitté l’Eglise catholique.

Voyager pour travailler
Nomades, les Yéniches voyagent pour travailler, et non pas l’inverse.
Autrefois  ils produisaient et réparaient les outils des paysans. On les appelait souvent les Vanniers, leurs paniers étaient réputés. Pour y tremper l’osier, ils campaient au bord des bords des lacs.
De l’antique roulotte tirée par un cheval, les Yéniches sont passés aujourd’hui à la caravane.
Colporteurs, rétameurs, aiguiseurs, ils récupèrent le métal, alimentent les brocantes en antiquités, créent leur site Internet. Les affaires requièrent de larges espaces, il est indispensable de couvrir rapidement de grandes distances pour rejoindre les clients. 

S’arrêter pour voyager
Les places de stationnement réunissent les caravanes, souvent 7 voire 10, de quoi rassembler la famille élargie. Dans une atmosphère paisible, un feu à la nuit tombée chasse les fatigues de la journée. On y est proche de la nature. Les espaces individuel et communautaire y sont sagement définis.

Les enfants
Les enfants sont le bien le plus précieux des familles et l’objet d’un soin jaloux. Ils fréquentent l’école aux mois d’hiver. A la belle saison ils partent avec leurs parents, un paquet de fiches données par l’instituteur. Chaque mois ils les font corriger, et repartent avec de nouvelles feuilles à remplir. Ainsi la scolarisation se réalise au mieux.
Le jeune Voyageur suit ses parents pour alimenter la caravane en eau, courant électrique, bombonne de gaz, il en gardera toute sa vie une aptitude à l’intelligence de la vie.

Yéniches et Tsiganes
De souche européenne, les Yéniches ne partagent pas avec les autres Tsiganes des origines indiennes. Mais les Yéniches ont à cœur de vivre la solidarité avec les autres Gens du Voyage.
On parle à leur égard de culture métissée, c’est-à-dire semi nomade et semi sédentaire. Ainsi peuvent-ils revendiquer une appartenance à la fois yéniche et valaisanne, ou yéniche et schwytzoise, etc.
Outre la Suisse, on trouve encore des Yéniches en Autriche, Hollande, Belgique, Alsace, Ardèche (France) et Forêt Noire (Allemagne du Sud).

Langue
L’analyse linguistique du yéniche indique une base de 52% de rotwelsch, dialecte vieil allemand du haut moyen âge. De là on fait remonter les origines, sans doute multifactorielles, des Yéniches. On y trouve aussi 22% d’hébreu, un mystère pas complètement résolu à ce jour. (Source: C. Bader, les Yéniches, derniers nomades d’Europe, L’Harmattan 2007, p. 35).
Le yéniche est différemment parlé suivant les familles, un peu comme les différents patois valaisans varient d’une vallée à l’autre. C’est un sociolecte, c’est-à-dire que son usage est intrinsèquement interne à la communauté.

Histoire récente
Depuis 1850, le nouvel Etat fédéral impose à tout citoyen suisse un lieu d’origine, y compris aux populations itinérantes. A partir de la fin du XIXe siècle, la politique des pays européens se teinte d’eugénisme, et les gouvernements accentuent leur pression ancestrale contre les groupes nomades incontrôlables.
La situation aboutit, entre 1926 et 1973, à l’affaire des Enfants de la Grand-Route, organisée par Pro Juventute sous l’égide de la Confédération. Cette action a pour but avoué d’éradiquer la culture nomade.
En 1986 sont présentées les excuses officielles de la Confédération envers le peuple yéniche, reconnu comme une minorité nationale en 1997. Ces années voient la création d’organisations faîtières yéniches, la mise en œuvre de réparations envers les membres de la communauté les plus gravement touchés.    

Actualité
Difficultés pour les Yéniches
Aujourd’hui en Suisse le problème essentiel de la communauté yéniche est le manque de places de stationnement. Car pour voyager, il faut pouvoir s’arrêter.
Le second est, au sortir de la scolarité obligatoire, la formation des jeunes: l’idéal voudrait que les entreprises aient la souplesse d’accueillir un(e) apprenti(e) yéniche pour 4 ou 5 ans, afin de lui permettre d’allier formation et vie itinérante à la belle saison avec ses parents. Ce serait aussi, pour l’entreprise, bénéficier de l’énorme savoir-faire et de la flexibilité naturels des Voyageurs.

Information chez les Sédentaires
Mais pour offrir de telles opportunités, encore faut-il connaître l’existence de concitoyens nomades. Un énorme travail d’information et de conscientisation est de mise, dès les jeunes générations sédentaires.
Cependant depuis 2012, on observe dans l’opinion publique et la presse une progressive prise de conscience, à cause sans doute des graves évènements touchant les Roms, en France et en Europe. On comprend peu à peu la complexité des groupes tsiganes, on tâche d’éviter les amalgames.
Sens politique chez les Yéniches
Du côté des Yéniches, élargir ses horizons au delà de la famille, même élargie, demande des efforts considérables. Culturellement ils sont discrets, voire secrets. Cependant une conscience politique est en train de naître et de s’organiser.

Politique actuelle
L’Etat fédéral a ratifié en 1998 la Convention européenne sur le droit des minorités nationales. Mais les Cantons et les communes peinent à mettre en oeuvre les conséquences de cet engagement sur les plans juridique et politique.
Il s’en suit qu’à peine le 60% des besoins en places de stationnement pour les Voyageurs de Suisse est couvert.
A cela s’ajoute que les Gens du Voyage de passeport européen qui passent nos frontières risquent de priver les Yéniches suisses des moyens de gagner leur vie sur le territoire national. La CLDJP (Conférence latine des départements Justice et Police), notamment, travaille à établir des conventions inter-cantonales pour contacter efficacement les groupes de Voyageurs étrangers de passage.
De toute façon le règlement équitable des places de stationnement pour les Voyageurs suisses passe par celui, concret lui aussi, des Voyageurs de l’étranger.